Le colloque sur “Plurilinguisme, politique linguistique et éducation“ à Mayotte a débuté lundi matin à Mamudzu en présence du président du conseil général, Ahamed Attoumani Douchina, du vice-recteur, Jean-Claude Cirioni, du Maire de Mamudzu et d’un représentant du préfet de Mayotte. Ce colloque, organisé par l’Université de Rouen et le conseil général de Mayotte avec l’appui financier du vice-rectorat, fait suite à des travaux commencés en 2004 sur le plurilinguisme à Mayotte. Pendant trois jours (du 17 au 19 mai 2010) des chercheurs, venus de France et d’ailleurs, vont livrer leurs réflexions sur le plurilinguisme et la place du shimaore dans l’île comorienne demeurée sous administration française. Certains d’entre eux apporteront des éclairages en évoquant des actions qui ont été menées en Algérie, à Madagascar, Nouvelle-Calédonie, Surinam, Mali, Grande-Bretagne, Tunisie, Ethiopie.
“La langue comorienne : unité et diversité”
Après les interventions des officiels, c’est le linguiste comorien, Mohamed Ahmed-Chamanga qui a eu l’honneur de présenter, dans la salle du cinéma Alpajo, la première communication devant une centaine de personnes, essentiellement des mzungu et quelques cadres maorais. Mohamed Ahmed-Chamanga propose ainsi une lecture du plurilinguisme en rupture avec les discours d’introduction prononcés essentiellement par des acteurs politiques et institutionnels de l’île. Il a défini le shikomori comme la langue parlée dans les quatre îles de l’archipel des Comores. Il a ensuite fait un aperçu historique des langues parlées aux Comores, outre le shikomori : l’arabe, la langue de la religion, le swahili comme langue régionale, le français, langue du pouvoir et de l’administration. Le linguiste comorien a également fait une mise au point sur les erreurs souvent entendues : le shikomori n’est ni une langue arabe, ni un dérivé du swahili, mais une langue sœur ayant pour origine la langue sabaki. Il a affirmé que la langue comorienne réunit toutes les caractéristiques des langues bantu. Pour lui, dans le shikomori on peut distinguer des parlers du groupe occidental (comprenant shingazidja et shimwali) et du groupe oriental (comprenant shindzuwani et shimaore). Dans tous les cas, il a montré que les différences sont surtout des différences de prononciations minimales, comme il en existe dans tous les pays. Ainsi, dans le groupe oriental on dit “ngarionao“ et le groupe oriental ont dit “risiona“. Ces différences sont perceptibles, y compris à l’intérieur de chacune des îles. Il n’y a donc pas de raison de parler de vrai shingazidja, vrai shimaore, etc.
Le shimaore face au français
Après les propos du linguiste, le président du conseil général, Ahamed Attoumani Douchina, qui est de langue maternelle shibushi (malgache), mais qui maîtrise parfaitement le shimaore et le français a exprimé sa satisfaction et a demandé à Ahmed-Chamanga une assistance pour l’élaboration d’une écriture du shimaore. Mais, il a aussi émis des doutes sur l’unicité du shikomori en disant que si les Maorais comprennent facilement le shindzuwani, il existe des gens à Mayotte, notamment dans sa région de Kani-Keli ou d’Acoua, qui ne comprennent pas de prime abord le shingazidja. Deux autres chercheurs des autres îles comoriennes, les docteurs Aboubakari Boina et Saïd Soilihi ont intervenu mardi après-midi, respectivement sur “Instaurer le dialogue par l’éducation et la culture à Mayotte“ et “La langue française dans l’archipel des Comores : statut, usages et pratiques de langue“. Ce colloque international, qui réunit près de soixante dix intervenants, arrive à un moment où l’Education nationale française cherche à évacuer la langue maternelle des enfants maorais des collèges et lycées de l’île, sous prétexte de donner la prééminence au français qui devrait permettre aux élèves de s’ouvrir au monde et de trouver plus facilement du travail. L’idée a d’ailleurs été reprise par le vice-recteur et le représentant de la préfecture de Mayotte dans son intervention qui a parlé du français comme une langue seconde “pour le moment“. L’ampleur du colloque devrait permettre, si les relais d’opinion dans l’île jouent leur rôle, de redonner un peu plus d’importance au shimaore.
Mahmoud Ibrahime
Shikomori : une langue à part entière
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